Nous allons nous intéresser ici aux données des ruches connectées Jonathan, apiculteur en association avec la coopérative 110 Bourgogne. Situé dans le Morvan, il gère une exploitation de 1000 ruches en production de miel bio. Il dispose également d’un atelier d’élevage de reines pour renouveler les ruches. Le rucher ApiTech est destiné à faire du miel de printemps, du miel d’acacia, et est transhumé, déplacé, à 500 m d’altitude dans le Haut Morvan pour faire du miel d’été.
Le point rucher est co–animé par Fabrice ALLIER, ingénieur de recherche à l‘ITSAP. Il est en charge des questions sur l‘agroécologie en lien avec l‘abeille : pollinisation, disponibilité des ressources alimentaires, diminution de l‘exposition aux pesticides et leur usage.
Un avis d’apiculteur : Qu’apportent ces courbes ?
Jonathan nous donne son avis sur l’utilité des ruches connectées et les bénéfices apportés par ces courbes.
Les courbes visualisées représentent le suivi du poids de la ruche ainsi que d’autres variables climatiques.
Ce suivi permet d’expliquer plusieurs éléments-clés durant une saison de production de miel tels que la dynamique de la colonie (santé et productivité), la présence de ressources alimentaires pour les abeilles, les miellées (période de production de miel) et les conditions météorologiques.
Par ailleurs, ces courbes sont importantes non seulement pour les années de bonne production mais aussi celles de faible production. Par exemple, le suivi météo permet d’expliquer le développement du varroa durant cette saison. Avec des températures assez élevées, ce parasite de l’abeille a pu se développer et envahir le couvain.
“On a besoin de comprendre les années difficiles, parce que quand ça ne marche pas, ces outils nous permettent de mieux comprendre les choses.” – Jonathan
Mais, il ne faut pas oublier que l’utilisation de ruches connectées a non seulement une utilité pour l’apiculteur mais aussi pour l’agriculteur !
“Le projet met en lien aussi les agriculteurs. Son intérêt est de leur porter ces informations pour qu’ils puissent voir où ils peuvent agir dans leurs pratiques, et mettre en place des systèmes de production plus durables qui incluent des espaces favorables aux pollinisateurs dans leurs exploitations (bandes fleuries, haies…) pour que l’apiculteur profite aussi de cette gestion du territoire. ” – Fabrice ALLIER
La gestion du Varroa dans les ruchers
Fabrice et Jonathan ont échangés au sujet de la gestion d’un parasite de l’abeille : le varroa.
Le suivi du varroa commence en mars et finit en octobre. Cependant ses effets se manifestent uniquement à partir d’octobre avec des colonies brusquement affaiblies.
Le varroa nuit surtout aux abeilles vulnérables carencées et dont la longévité est réduite. Par ailleurs, une abeille bien nourrie est capable de résister à la présence de varroa dans la colonie.
Au cours de cette saison, en raison du manque de ressources alimentaires autour des ruches, la dynamique des abeilles a diminué, entraînant ainsi une baisse de la production de miel. Cette carence alimentaire durant la saison, a affaibli la colonie et la rendant plus vulnérable aux attaques externes comme le varroa. De plus, le développement du parasite a pu être soutenu par une augmentation du couvain, lui-même entrainé par des températures élevées. Cela a participé à atteindre un taux de pertes élevé à l’échelle de l’exploitation, de l’ordre de 25%.
Pour lutter contre le parasite, un traitement d’acide oxalique est réalisé en hiver.
Le varroa est un acarien parasite de l’abeille. La femelle du varroa est la plus redoutée, elle s’accroche aux abeilles adultes et se nourrie de leur hémolymphe (le sang des invertébrés). Elle est visible à l’œil nu avec une couleur brunâtre, tandis que le mâle se trouve dans les cellules du couvain et est difficilement repérable.
Analyse des courbes des ruchers connectés
La vidéo ci-dessous présente les échanges entre Fabrice et Jonathan pour comprendre la variation du poids des ruchers au cours de la saison 2021.
En début de saison 2021, la colonie démarre avec un poids habituel de 40 kg en sortie d’hiver. Même si les températures sont assez basse en ce début d’année, les colonies rentrent du nectar et les abeilles se multiplient dans la ruche.
Cependant, à la fin du printemps, certaines miellées n’ont pas lieu à cause de l’absence de floraison d’aubépine, et du gel à la période de miellée d’acacia.
Une transhumance est effectuée dans une prairie au Haut Morvan en juin, et on observe un gain de poids au début de l’été. Ce gain constitue la récolte qui est effectuée fin juillet.
Fabrice et Jonathan ont identifié des périodes de rentrée de nectar et de pollen difficiles tout au long de la saison, et surtout durant des périodes clés qui mettent en danger la dynamique du rucher. Cela à conduit ainsi à une production de miel faible comparée aux autres années et une colonie affaiblie due aux carences alimentaire.
*Les commentaires de courbes concernent les variations de poids de la courbe rouge.
Comparaison des saisons 2020 et 2021
Cette dernière partie compare deux saisons successives : 2020 et 2021.
Entre les saisons 2020 et 2021, les ruchers ApiTech se trouvaient dans le même type d’environnement avec une distance de séparation de 5 km.
Les profils des courbes des saisons sont en revanche assez différents. La saison 2020 a été très bonne avec une miellée de longue durée et des colonies bien nourries et en bonne santé. Seulement 4t d’aliment on été apportées à l’ensemble du cheptel cette année là tandis que 13 à 14 t ont du être apporté en 2021 à cause de floraisons peu abondantes.
Ces deux années sont des extrêmes par rapport à une année habituelle. Le rendement annuel moyen d’une ruche en 2020 a été d’environ 80 à 90 kg, cela est dix fois plus que le rendement annuel moyen d’une ruche en 2021 qui était de 9 à 10 kg.